Carole Condé et Karl Beveridge

Colour photo of a woman with long hair wearing a pink roll-neck sweater, and a man with a beard wearing a black baseball cap with MAY DAY in red
Carole Condé and Karl Beveridge. Image courtesy of the artists.

Les artistes Carole Condé et Karl Beveridge sont deux des membres fondateurs du Centre des arts et du patrimoine des travailleurs de l'Ontario. Ils ont commencé à travailler en tant qu'artistes conceptuels indépendants en 1969 et ont depuis exposé leurs œuvres ensemble, tant au niveau national qu'international. 

Mme Condé et M. Beveridge sont connus pour leurs œuvres photographiques, qui illustrent les histoires de travailleurs et de manifestants, réalisées en collaboration avec des syndicats et des groupes communautaires au cours des 45 dernières années. Ils sont également impliqués dans la fabrication de bannières depuis les années 1980.

La chercheuse Keely Shaw s'est entretenue avec Mme Condé et M. Beveridge au printemps 2023 pour en savoir plus au sujet de leur travail en tant qu'artistes du mouvement ouvrier, de leur intérêt envers les bannières syndicales et de la manière dont ils en sont venus à les incorporer dans leur pratique artistique.

Keely Shaw : Comment avez-vous débuté en tant qu'artistes?

Mme Condé et M. Beveridge : Je dirais que nous avons commencé très tôt. Carole a pris des cours dès l'enfance. Nous nous sommes tous les deux retrouvés à l'Ontario College of Art [aujourd'hui OCAD University], mais nous n'y sommes restés qu'un an ou deux, car à l'époque, il fallait quitter l'école d'art le plus rapidement possible avant qu'elle ne vous ruine. [Carole et moi] nous sommes rencontrés peu après avoir quitté l'université. Nous avons commencé à travailler indépendamment, d'abord à Toronto ; nous avions un appartement sur l'avenue Spadina. En 1969, nous sommes allés à New York, parce qu'à l'époque, c'était « le centre du monde de l'art ». 

Pendant notre séjour à New York, nous nous sommes politisés. Ce qui est intéressant à New York, c'est que l'on peut y voir le cœur du monstre. On se rend compte de la domination du marché et de la manière dont le marché contrôle ce qui est considéré comme de l'art et ce qui est valorisé.

Large red banner with an illustration on the Earth in the middle, text across the width of the banner reads GREATER TORONTO WORKERS' ASSEMBLY, www.workersassembly.ca
Bannière, Assemblée des travailleurs du Grand Toronto. 2010, appliqué et peinture sur tissu. Don de Carole Condé et Karl Beveridge

Nous avons réalisé que nous devions retourner au Canada, car c'était l'endroit que nous connaissions, c'était la culture dont nous étions issus. Nous sommes retournés à Toronto et nous nous sommes engagés auprès de personnalités politiques, dont certaines avec lesquelles nous sommes toujours en contact. C'est à cette époque que nous avons commencé à travailler avec les syndicats et à nous intéresser à la politique de classe. Le premier syndicat avec lequel nous avons collaboré était le Syndicat des Métallos. Notre premier projet concernait la grève de Radio Shack à Barrie en 1980. Le projet suivant a été notre collaboration avec les ouvriers de l'automobile et l'histoire de la section locale 222 de General Motors à Oshawa. Nous avons travaillé avec de nombreux autres syndicats [depuis lors].

Colour photo of a parade, many people carrying flags and banners
Bannière du Conseil du travail du Toronto métropolitain et de la région de York, créée par Carole Condé et Karl Beveridge, brandie lors du défilé de la fête du Travail à Toronto en 2012. Gracieuseté des artistes.

La genèse de notre implication dans la création de bannières est assez intéressante. Lors d'un voyage de Carole en Angleterre au début des années 1980, nos amis Peter Dunn et Lorraine Leeson l'ont emmenée dans un petit musée à Londres qui avait dans sa collection des documents relatifs au mouvement syndical anglais, dont une collection de bannières. L'Angleterre a une très longue tradition de production de bannières élaborées pour les syndicats. 

En 1980, [notre ami Ian Bern] nous a invités en Australie, parce qu'il travaillait avec les syndicats de ce pays. En Australie, ils avaient aussi [une tradition de fabrication de bannières en tissu élaborées]. Ils organisaient le programme Artists in the Workplace, de concert avec les syndicats australiens. Ils ont contacté le Conseil australien des arts et ont fini par le convaincre de créer un programme de 5 millions de dollars pour permettre aux artistes de travailler avec les syndicats. Certaines des bannières les plus impressionnantes ont été créées en Australie dans les années 1980. 

En 1989, le Labour Arts and Working Group a réussi à convaincre le Conseil des arts de l'Ontario (CAO) de mettre en place un programme pilote pour financer les artistes qui travaillaient avec les sections locales des syndicats. La première année, environ 20 à 30 projets ont été réalisés aux quatre coins de la province. Ce programme a permis de financer toutes sortes de projets, y compris des bannières. Un certain nombre de bannières ont été réalisées, par nous ainsi que par d'autres artistes, dans le cadre du programme Artistes dans le milieu de travail du CAO. 

Colour photo of a man and a woman wearing baseball caps standing either side of a red banner they are holding, in the foreground is a table, behind the woman are a group of people in high visibility jackets and hard hats
Karl Beveridge (à gauche) avec la bannière du Centre des arts et du patrimoine des travailleurs de l'Ontario à Kitchener lors des Journées d'action de l'Ontario, 1997. Image gracieusement fournie par les artistes.

Lors d'un de nos voyages en Australie, nous avons rencontré différentes personnes qui fabriquaient des bannières. L'une d'entre elles était une artiste d'Adélaïde, en Australie, nommée Kathy Muir, qui avait réalisé une bannière avec des ouvriers du service public. Elle a visité le Canada en 1990 et nous avons organisé une rencontre [entre elle et] le comité culturel de la Fédération du travail de l'Ontario. Les membres du conseil ont tellement été impressionnés par les bannières contemporaines australiennes qu'ils ont institué un concours de bannières parmi les syndicats affiliés pour récompenser la meilleure bannière réalisée chaque année. Cela a permis de donner un élan à la production de bannières syndicales tout au long des années 1990. Nous en avons réalisé environ 15. Je pense qu'entre 15 et 20 bannières supplémentaires ont été réalisées par d'autres artistes. De nombreuses bannières syndicales ont donc été réalisées au cours de cette période, jusque dans les années 2000.

ECWU STEC banner with blue background, pink edges and orange tassels, five circles edged in orange, the large circle in the middle has an illustration of a group of people, the four smaller circles have hands at work and text related to the aims of the union
Bannière, Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie (STEC)

Keely Shaw : Avez-vous choisi de vous concentrer sur les bannières en raison de leur utilité dans l'histoire?

Mme Condé et M. Beveridge : Notre travail photographique est notre principale pratique artistique. Notre intérêt pour les bannières s'est développé après que nous ayons réalisé une bannière pour la Fédération du travail de l'Ontario dans le cadre de son concours de bannières en 1990. Carole voulait la faire. Les bannières sont devenues intéressantes, non seulement d'un point de vue artistique, mais aussi, pour nous, d'un point de vue économique.

Le fait est que les syndicats voulaient tellement ces bannières qu'ils étaient prêts à payer pour les obtenir. Porter une bannière était une source de fierté. 

Keely Shaw : Il y a beaucoup de choses différentes dans vos bannières, du point de vue des matériaux. Pouvez-vous nous parler des décisions que vous prenez par rapport à ceux-ci?

Mme Condé et M. Beveridge : Nous nous inspirons de la tradition de la fabrication de bannières, tout en l'interprétant d'une manière plus contemporaine. La bannière du Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie [évoquait] des pipelines et de l'électricité; nous avons utilisé ces images pour la conception graphique de la bannière tout en y incorporant des personnages. [Cette bannière] n'était sans doute pas aussi radicale que certaines des bannières australiennes plus marginales, mais elle essayait d'équilibrer la lisibilité avec la conception graphique et le symbolisme. [Nous] y avons ajouté d'autres éléments, comme nous le faisons dans nos photographies. Nous essayons d'inclure ou d'incorporer un point de vue. [Certaines bannières traitent] d'idées, mais aussi de ce qui se passe sur le terrain.


Cet entretien est extrait d'un entretien d'histoire orale entre Carole Condé et Karl Beveridge et la chercheuse Keely Shaw. Il a été révisé pour plus de clarté et de concision.