L'UIOVD au Canada

L'Union internationale des ouvriers du vêtement pour dames (UIOVD) a été fondée aux États-Unis en 1900. Tout au long de son histoire, l'UIOVD a été connue pour son « syndicalisme social ». Son action ne s'est pas limitée à la défense de meilleures conditions de travail; elle s'est étendue à la création d'activités artistiques et pédagogiques, de soins de santé, de logements coopératifs, d'aide à l'immigration et d'activités ludiques pour ses membres.

A discoloured long, vertical, white label with a blue fringe across the bottom, and text in blue and black relating to ILGWU union, and what the union and the label symbolizes, an image of a needle and thread crosses behind the logo in the centre.
Bannière, UIOVD. Milieu ou fin du 20e siècle, sérigraphie sur fibres synthétiques. Don du Conseil de l'Ontario d'UNITE

De décembre 1910 à la fin de l'année 1911, l'UIOVD crée six sections locales canadiennes à Montréal, Toronto et Winnipeg. Malgré les premiers initiaux, le chemin vers la syndicalisation des travailleurs de l'habillement au Canada est long et difficile. Entre l'UIOVD et un autre syndicat de travailleurs de l'habillement, l'Amalgamated Clothing Workers of America (ACWA), seul le quart des travailleurs des métiers de l'aiguille était représenté par des syndicats dans les années 1920. En revanche, environ la moitié de la main-d'œuvre était syndiquée en 1937. 

La grève d'Eaton en 1912 à Toronto est la première grande action de grève menée par l'UIOVD au Canada. En mars 1912, 65 hommes qui travaillaient comme opérateurs de machines à coudre des manteaux refusent d'exécuter les nouveaux ordres de finition que le propriétaire Timothy Eaton exigeait sans offrir d'augmentation de salaire. La finition, qui consiste à attacher les doublures des manteaux, est effectuée à la main, généralement par des femmes qui ne sont pas syndiquées. Après le refus des hommes d'effectuer les travaux de finition, Eaton a mis les travailleurs en lock-out et a refusé de négocier avec leur syndicat.

Newspaper cutting showing a union parade in the snow, along a street lined with spectators
Défilé des employés d'Eaton en lock-out. The Toronto World : section illustrée, 31 mars 1912, page 5.

Un millier de travailleurs de l'habillement ont débrayé pour soutenir les 65 fabricants de manteaux. Le 23 mars, plus de 2 000 partisans de la grève se joignent à une manifestation à Toronto, à laquelle participent des enfants et des personnes âgées. La manifestation prend la forme d'un défilé qui débuté au Labour Temple, rue Church, et se dirige vers l'ouest le long de la rue Queen. La marche se poursuit sur l'avenue Spadina et vers l'est le long de la rue College, avant de se terminer par un rassemblement à Massey Hall. 

Les travailleurs de l'usine de vêtements Eaton de Montréal se sont mis en grève par solidarité et les travailleurs de l'habillement de Hamilton ont menacé de se joindre à la grève si l'une de leurs entreprises tentait de travailler pour Eaton. Un appel au boycott des produits Eaton a également été lancé à l'échelle nationale.

Le boycott est particulièrement efficace dans la communauté d'immigrants juifs de Toronto. Le Conseil du travail du district de Toronto demande aux clubs et groupes de femmes de se joindre au boycott, mais le soutien se heurte aux différences de classe lorsque les femmes de la classe des loisirs ne soutiennent pas la grève ou le boycott. 

Malgré les efforts des grévistes et des manifestants, la grève est interrompue après quatre mois sans succès. L'UIOVD se trouve affaibli et Eaton refuse d'embaucher des Juifs. Malgré tout, la grève d'Eaton est restée porteuse d'espoir : ce fut un moment de solidarité entre les genres qui a mobilisé la classe ouvrière juive de Toronto. L'un des slogans de la grève était « Mir vellen nisht aroycenemen dem bissle fun broyt fun di mayler fun undzere shvester », qui se traduit en français par « nous ne prendrons pas le morceau de pain de la bouche de nos sœurs ».

Notice with black text in English and Yiddish on beige coloured paper
Avis de l'ILGWU concernant une réunion de masse sur la semaine de 40 heures et la journée de 8 heures, en anglais et en yiddish, 1935. Reproduction avec l'aimable autorisation de la Collection de l'UIOVD du Kheel Center de l'Université Cornell.

Bien que la majorité des bannières de l'UIOVD du WAHC semblent dater des années 1930, l'une d'entre elles semble être similaire à celle portée lors du défilé d'Eaton en 1912. Une autre bannière exceptionnelle de la collection du WAHC est une petite bannière bilingue, probablement en provenance du Québec, qui illustre l'étiquette syndicale de l'UIOVD. 

Black and white photo of women standing together holding a banner and placards, towers of an old building are in the background
ILGWU in Ottawa. ILGWU Members at Parliament Hill in Ottawa, at a “Look for the Label” demonstration. Image courtesy of the Kheel Center ILGWU Collection, Cornell University

Selon un rapport de la convention, l'inclusion d'une étiquette sur tous les produits fabriqués par l'UIOVD était déjà une priorité du syndicat en 1910. Dans les années 1970 et 1980, le ralentissement de la fabrication de vêtements en Amérique du Nord s'est accéléré, en raison de l'importation croissante de produits fabriqués à l'étranger. Face à cette tendance, l'UIOVD a notamment lancé une campagne de promotion de son étiquette syndicale dans la presse écrite, à la radio et à la télévision. Dans les publicités de la campagne, la célèbre chanson de l'étiquette syndicale fait appel au désir de qualité des consommateurs et fait valoir les avantages du soutien aux travailleurs canadiens de l'habillement. L'UIOVD a même produit et distribué des films qui soulignaient les tendances de mode des vêtements produits par les membres de l'UIOVD.

Malgré ces efforts, le Canada a connu un grave ralentissement des emplois dans le secteur du textile et de l'habillement, perdant des centaines de milliers de travailleurs à la fin des années 1980. L'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALE) ont continué à contribuer à la perte de milliers d'emplois dans l'industrie de l'habillement au Canada tout au long des années 1990. En 1995, l'UIOVD a fusionné avec l'Amalgamated Clothing and Textile Workers Union pour former UNITE. Connu aujourd'hui sous le nom UNITE HERE, ce syndicat regroupe des travailleurs de l'industrie de l'habillement, des hôtels, des restaurants, des hippodromes et des casinos, des blanchisseries et des entreprises de services alimentaires.


Sources

Katheryn Dowgiewicz, The ILGWU Internationally: The ILGWU In Canada. Collection de l'UIOVD du Kheel Center. En ligne. Consulté en octobre 2023. https://ilgwu.ilr.cornell.edu/announcements/27.html

Ruth A. Frager, Sewing Solidarity: The Eaton’s Strike of 1912, dans A Nation of Immigrants: Women, Workers, and Communities in Canadian History, 1840s-1960s, (Toronto : University of Toronto Press, 1998), 317.

Mercedes Steedman, Canada’s New Deal in the Needle Trades: Legislating Wages and Hours of Work in the 1930s, Relations Industrielles / Industrial Relations, 53, 3 (1998, été), 536. 

Site Web de la section locale 75 d'UNITE HERE. https://www.uniteherelocal75.org